dimanche 1 février 2009

Guyane : loin des yeux, loin du coeur


L’Amazonie est un territoire français. On l’oublie souvent : sur les neuf territoires qui composent le bassin du fleuve Amazone, figure la Guyane
Française. Et c’est pour cette raison que le Forum social mondial de Belem est aussi et enfin l’occasion d’une participation significative de
représentants de la société civile guyanaise. La France en aurait-elle ainsi profité pour montrer l’un de ces nombreux visages, celui d’un
territoire uni et riche de sa diversité ? Pas si sûr. « Il n’y a qu’en Guyane qu’on existe », explique Aïku de la tribu des Wayanas. « La France
ne reconnaît pas les Amérindiens, ni leur culture, confirme Priscilla de la tribu des Arawaks. Et pourtant nous nous sentons d’abord amérindiens
avant même de nous sentir français ». Sans compter les Noirs Marrons qui vivent le long du fleuve et qui peinent encore à obtenir les papiers
reconnaissant officiellement leur existence (des papiers qui n’étaient pas remis par l’administration au moment de leur naissance). Les deux jeunes
amérindiens sont donc venus à Belem pour témoigner, dire leur réalité et rappeler à la France, république une et indivisible, patrie des droits
humains, qu’elle oublie trop souvent ses enfants d’Outre-Mer et qu’en Guyane aussi un autre monde doit être possible.


« La Guyane, c’est encore le paradis. Mais c’est un paradis mourant », se désole Aïku. En cause, notamment, l’essor incontrôlé et dramatique de
l’orpaillage, depuis les années 90. La ruée vers l’or guyanais n’a pas le panache d’un film hollywoodien. « Les rivières et les fleuves sont pollués
par le mercure. L’eau ne peut plus être bue et peu à peu les populations partent car elles ne peuvent plus ni manger, ni pêcher, ni chasser »,
explique le père Herman, de la tribu des Bushinengés. L’orpaillage est le fait de dizaines de milliers de travailleurs clandestins. Dans un pays
d’un peu plus de 200000 habitants, dont 40% est composé d’étrangers, cette donnée est sensible et pourrait contribuer à la montée de la xénophobie
dans une région où, de tout temps, ont cohabité de nombreuses communautés.
Connaissant la fermeté affichée par le gouvernement français en matière d’immigration (et d’identité nationale), on pourrait attendre de sa part
une mobilisation d’ampleur. Il n’en est pourtant rien. Les orpailleurs poursuivent envers et contre tout leur business dévastateur. Car, la
patrie héritière du siècle des lumières n’a que faire des populations qui peuplent ce territoire. Un territoire auquel elle attache, a contrario,
une valeur considérable. « La France et maintenant l’Union européenne tiennent fermement à l’enclave de Kourou qui leur confère un avantage
géostratégique considérable sur la scène internationale », reconnaît Jean-Paul Ferrara, vice-président du Conseil régional de Guyane.

De là à dire qu’un territoire sans habitant conviendrait tout autant à la France… il n’y a qu’un pas que l’absence dramatique d’investissements dans les transports, l’éducation ou la santé donneraient envie de franchir.
Les Guyanais n’en continuent pas moins de se mobiliser et de revendiquer de la métropole qu’elle les reconnaisse enfin, eux et leur culture,
qu’elle les traite à l’égal de n’importe quel autre citoyen français et qu’elle leur accorde le droit d’exercer leur souveraineté (à travers un
statut d’autonomie de gestion du territoire confié à ses élus), au lieu de tout décider, à 8000 km de distance, en fonction de ses propres intérêts.
Car sinon, qui peut affirmer encore haut et fort que la Guyane est un département français et pas une colonie. Et à toutes celles et tous ceux,
notamment de France, qui participent au FSM de Belem et s’inquiètent de la prochaine disparition des peuples indigènes d’Amazonie, peut-être
faudrait-il aussi se préoccuper du sort de nos propres concitoyens… même s’ils sont amérindiens.

David ELOY - Altermondes

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